Scarlett n’est pas vraiment romantique.

Elle n’est non plus douée pour les sentiments, le plus fort qu’elle ait ressenti se limite à la très forte affection qu’elle avait pour son ami Aiden, qu’elle a perdu de vue il y a maintenant 2 ans. Au divorce de ses parents à ses 13 ans, elle a dû suivre sa mère adoptive en Australie pour vivre avec son nouveau partenaire parce que Paul Adams n’était pas jugé assez bon pour s’occuper d’elle. Ou plutôt parce que la loi considère que la femme est toujours meilleure pour s’occuper d’un enfant, étant une société binaire, même si Vanessa n’a pas vraiment la fibre maternelle.

Cependant, c’est à cause, ou grâce, à son manque d’attention que tout cela arriva.

Alors qu’elles passaient une rare soirée seulement entre elles deux, Scarlett se fit assommer par un poteau au beau milieu de la route. Techniquement, cela ne pouvait être la faute de Vanessa, Scarlett avait 15 ans, c’était une grande fille qui peut s’occuper d’elle-même, mais si la femme d’affaire connaissait sa fille, elle saurait que cette dernière est vraiment maladroite et imprudente.

Depuis ce jour, Scarlett voit des fils rouges là où personne n’y voit. Cela pouvait simplement être un dommage collatéral d’être frappé si fortement à la tête, heureusement les médecins ont assuré que rien n’est endommagé suite à ce traumatisme cranien. Mais Scarlett n’en était pas sûre, les fils rouges avaient tout l’air des filets de sang. (Elle remarqua cependant rapidement que ces lignes sont tracés à partir des mains des gens. Ou plus exactement de leur petit doigt. Certains sont reliés au doigt d’autre personne juste à côté sans que les concernés n’en sachent rien, d’autre ont le fil qui s’étire jusqu’à l’autre bout du monde.) Des âmes soeurs.

Elle ne sait pas ce qui lui fait dire ça, mais elle a entendu parler d’une légende oriental d’Amanda. Une amie du temps où elle vivait encore en Angleterre. Scarlett en a quatre. Quatre fils rouges qui s’étirent dans tous les sens sans que soient près d’elle, bien sûr.

D’après les récits, elle finira par les rencontrer, un jour où l’autre, même s’il s’agit de la fin du monde. Elle préfère que ce ne soit pas le cas, mais pas comme si elle pouvait faire grand chose, c’est le destin qui dirige sa vie, d’après le mythe.

Elle finit par y croire à ce destin quand son père lui propose d’emmener aux Etats-Uni avec lui, où deux fils se trouvent dans cette direction. Un voyage au milieu du trimestre, que le lycée désapprouve mais que sa mère le permet parce qu’elle a des relations. C’est ainsi qu’elle vole pour l’Amérique du Nord, dans l’espoir de les rencontrer.

Ce n’est pas illusoire. Elle sait, sent qu’elle va rencontrer ses âmes soeurs.

Arrivée sur terre après de nombreuse heure de vol, Scarlett pousse un soupir de soulagement. C’est le plus éprouvant trajet qu’elle a passé, même si c’était dans la classe économique et elle aimerait éviter un autre de sitôt. Malheureusement, c’est un peu imprévisible avec le programme de son père, qui n’est ici que pour affaire. Au moins, cela lui laisse beaucoup de temps libre.

Elle l’utilise pour faire du shopping avec la carte bancaire de son père. Pourtant, l’intention de faire des folies devient rapidement du lèche-vitrine, ou plutôt une errance sans but. Peut-être qu’il y avait une, de but, car ses pas lui mènent simplement là où se trouvent ses âmes soeurs.

Toutefois, Scarlett se rend compte que cela ne sera pas aussi simple alors qu’elle est face à un mur. Elle reste plantée devant la façade tout en contemplant deux des quatre fils rouges qui le traversent.

Elle trouvera un autre moment, ce soir elle devait rentrer avant d’inquiéter son père.

Le soir, au calme dans son lit, elle réfléchit.

Le fait que ses pieds réagissent par eux-même n’est pas la première fois. Attention, elle ne pense pas ça pour excuser sa maladresse mais plutôt ses errances impromptus. Elle se souvient que cela lui arrivait de temps en temps quand elle vivait encore aux Royaume-Unis. Ses parents recevaient des appels des officiers de police qui la retrouvaient alors aux frontières du Grand Londres. Elle-même ne savait pas pourquoi elle se trouvait ici, mais ses pas l’ont dirigé ici, attiré par une forte attraction qu’elle ne découvrit jamais.

Aujourd’hui, elle comprend qu’il y avait un de ses âmes soeurs qui se trouvait aussi en Angleterre en même temps qu’elle, même s’il se trouvait assez éloigné du centre de Londres, où elle vivait.

Demain, se promet-elle, demain, elle allait les retrouver.

Elle ne s’imaginait cependant pas se réveiller aussi tôt. Les chiffres 6:33 s’affiche sur son horloge digital alors qu’elle se frotte les yeux pour s’assurer qu’il s’agit des bons chiffres.

Qu’est-ce qu’elle allait faire de si bon matin ?

Heureusement, son père avait déjà quitté leur suite, lui évitant de fournir d’explications qu’elle ne peut donner.

Elle décide de se changer et voir ce qui allait se passer. Comme à chaque fois, ses pieds se mettent à bouger d’eux-même alors que sept heures vient de sonner. Elle quitte l’hôtel en ayant un peu de liquide sur elle et se dirige vers le métro.

Après une heure de trajet, elle parvient dans une gare beaucoup plus rempli que là d’où elle venait, remarquant plusieurs lycéens ci et là. Il est vrai qu’il est l’heure d’aller en cours pour des élèves qui suivent la scolarité et ne sont pas en vacance comme elle.

Elle fait encore ce qu’elle veut, merci.

Alors que le train approche, Scarlett sent son coeur battre de plus en plus rapidement en même temps que les deux fils qu’elle suit depuis un moment deviennent de plus en plus épais. Quand le train s’arrête à quai, elle a presque peur que son coeur s’échappe de sa cage thoracique où qu’elle fasse une anémie par manque de respiration. Mais une fois que les portes s‘ouvrent, elle retrouve son calme. Comme si de rien n’est.

Seul les deux fils rouges épais sont la preuve que des choses se passent.

Scarlett parvient à ignorer les autres fils rouges qui sont aussi sous ses yeux pour se concentrer sur les deux rattachés aux siens qui sont tous proches. Apparemment, deux de ses âmes soeurs se connaissent. Au moment où cette pensée lui vient, ses yeux se posent sur deux frères. Des jumeaux de toute évidence. Un la regarde, presque avec intensité, l’autre ne la remarque pas. Dans un moment très inapproprié, ses joues prennent feu mais elle ne veut briser l’échange. Jusqu’à leur arrêt, elle ne le quitte pas des yeux.

Puis, elle a une autre cible.

Elle n’a pas remarqué jusqu’ici mais il y a le troisième fil qui s’épaissit aussi. En fait, rectification, même le dernier fil est large. Pas autant que les deux premiers, ni le troisième mais il les rattrappe bientôt.

Le propriétaire du troisième fil est presque un salvateur, il permet aux deux premiers de rester dans le train, comme elle n’a pas oser les aborder. Si elle veut trouver ses âmes soeurs, elle doit tout de même faire l’effort d’aller leur parler.

Sauf que c’est plus facile à dire qu’à faire.

Même si elle n’as pas particulièrement timide, surtout envers les garçons, elle se sent troublée par ces trois-là, il s’agit tout de même de ses âmes soeurs.

Pour autant, elle ne peut s’empêcher d’adresser la parole au dernier de ses quatre âmes soeurs lorsque celui-ci apparaît.

Il est grand, il est brun et il est attirant. Scarlett ne se sent même pas perturbée quand ses pas la rapproche de l’étranger pas si inconnu, qui a la tête levée pour lire les noms de stations.

• Excuse-moi…, commence-t-elle tout en cherchant un sujet de conversation, elle doit en apprendre plus sur lui. Est-ce que tu es britannique ?

Le brun se tourne brusquement vers elle, surpris. Puis son regard s’écarquille un peu plus en la dévisageant. Il ouvre la bouche une première fois sans parvenir à prononcer un mot. La seconde fois, sa voix paraît craquelée. Comme s’il n’a plus parler depuis longtemps.

• Comment tu le sais ?
• Tu as l’accent. Est-ce que tu viens d’Essex ? Ou quelque part vers l’Est ?

Avant que son interlocuteur ait le temps de protester qu’elle ne pouvait le démasquer par son accent puisqu’il n’avait pas parlé avant, il est vite pris de court par la question suivante.

• J’ai… vécu à Ipswich, dans le passé. Je viens de York, mais je suis né à Londres.
• Vraiment ? J’ai aussi vécu à Londres, dans le quartier de Dulwich.
• Où ça, à Dulwich ?
• Ardbeg Road, dit-elle et elle sait à son regard qu’il y a aussi vécu. Ils ont été si près l’un de l’autre. Je suis Scarlett.
• Matt…

Mais Matt se tourne aussitôt quand il entend quelqu’un se racler la gorge derrière lui. Scarlett reconnaît l’un des deux jumeaux, celui qui ne l’a regardait pas. Il a l’air incertain et a l’air de regretter de les avoir dérangé, mais change d’attitude lorsque Matt lui adresse la parole. Il est soudainement plus ouvert et regarde son âme soeur, leur âme soeur d’un oeil nouveau.

Scarlett en profite aussi pour les admirer un à un, quand elle pose à nouveau ses yeux sur l’interlocuteur sans nom, ses premiers mots sont les suivants :

• Le fil rouge…

Cela fait sourire le seconde jumeau. Elle n’en fait pas cas, elle doit leur en parler.

Cela leur concerne, cela est leur histoire.

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